Les écrivains vous invitent au voyage sur leurs îles !
"Rien ne révèle mieux le destin de la Méditerranée que ses propres îles", remarque Pedrag Malvejevitch, l'auteur du fameux Bréviaire méditerranéen. L'on pourrait ajouter que rien ne les rend mieux abordables que les regards aiguisés qu'ont portés sur elles les écrivains qui les ont visitées ou habitées. Ils savent donner à ces terres, même aux plus connues, toute la dimension de l'imaginaire. Et les contempler avec eux transforme la seule envie de dépaysement en une véritable Invitation au voyage, au sens où Baudelaire l'entendait :
"Et nous allons, suivant le rythme de la lame
Berçant notre infini sur le fini des mers."...
Capri - Corfou - Burano - Majorque - Lérins - Crête ...
"L'île aux chèvres" des Grecs fut le séjour de prédilection des empereurs romains Auguste et Tibère. Les romantiques du siècle dernier succombèrent à ses charmes, qui font toujours d'elle, quoi qu'on veuille chanter, "la perle du golfe de Naples .
Pablo NERUDA (1904-1973)
"La vigne sur la roche, les crevasses de mousse, les murs qui enchevêtrent les volubilis, les plinthes de fleurs et de pierre : l'île est une cithare qui fut placée sur la hauteur sonore et la lumière, corde à corde, depuis cette heure si lointaine sur elle a essayé sa voix, la couleur des lettres du jour ; de son enceinte parfumée l'aurore prenait son essor renversant la rosée et ouvrant les yeux de l'Europe."
Entre l'Adriatique et la mer Ionienne, l'île des Phéaciens, où Ulysse accosta après une tempête, semble un bout d'Italie en terre grecque.
Lawrence DURRELL (1912-1990)
"C'est une île facile à reconnaître, avec ses montagnes albaniennes polies comme de gros fruits, spacieuses et nues, chaudement colorées par le soleil qui cherche à regarder la mer par-dessus leur épaule. Corfou est posé comme une faucille près des flancs du littoral continental et forme une grande baie calme qui se rétrécit par les deux bouts, de sorte que les houles qui se pressent à l'entrée se sont apaisées en y passant. (...) Même ici à Corfou, dont les forêts riches et denses et la couverture végétale idyllique contrastent de façon si étrange avec la brutale nudité des îles Egéennes, même ici la lumière est parfaitement reconnaissable. Ni l'Italie ni l'Espagne n'ont la même. Les fleurs, les maisons, les nuages, tous vous regarde d'un oeil photoélectrique, à la fois corporel et en quelque sorte immatériel."
Au-delà du Lido, le cordon littoral de la cité des doges, on parvient par des chenaux plantés de pieux aux îles de la lagune. Au nord, Burano, ses maisons pimpantes et ses dentellières.
Gabriele D'ANNUNZIO (1863-1938)
"Pâle dans le calme de l'après-midi, l'estuaire portait légèrement ses îles comme le ciel porte ses nuages les plus doux. Les longues bandes minces du Lido et de la Terre-ferme avaient l'inconsistance de ces débris noirâtre qui flottent en cordons sur les eaux apaisées. Torcello, Burano, Mazzordo, San Francesco del Deserto, vus de loin, présentaient l'apparence, non de rivages abordables, mais de pays submergés dont les cimes dépasseraient la surface de l'eau comme des hunes de navires coulés à pic. Faibles étaient les traces laissées par les hommes sur cette solitude plane, comme les lettres rongées par le temps sur les pierres sépulcrales.
Face à Barcelone et Valence, Majorque est la plus grande des quatres îles qui forment l'archipel des Baléares. Ses forêts de pins, ses caroubiers orangers et amandiers lui ont valu le nom "d'île aux arbres" dans l'Antiquité.
Jorge Luis BORGUES (1899-1986)
"Majorque est un lieu pareil au bonheur, fait pour y être heureux, fait pour être le théâtre du bonheur, et moi - comme tant d'îliens et d'étrangers - je n'ai presque jamais possédé le capital de bonheur qu'on doit avoir en soi pour se sentir spectateur digne (et non pas honteux) de tant de clarté et de beauté."
Les îles de Lérins Dans l'Antiquité, l'archipel offrait un excellent mouillage entre la Gaule, l'Afrique du Nord et la Méditerranée orientale. Propriété du duc de Guise au XVIIème siècle, Sainte Marguerite se dota de fortifications d'où l'on jouit aujourd'hui d'un superbe panorama sur la baie de Cannes.
Guy de MAUPASSANT (1850-1893)
"En approchant de l'île de Saint-Honorat, nous passons auprès d'un rocher nu, rouge, hérissé comme un porc-épic, tellement rugueux, armé de dents, de pointes, de griffes, qu'on peut à peine marcher dessus. Il faut poser les pieds dans les creux, entre ses défenses, et avancer avec précaution ; on le nomme Saint-Ferréol. Un peu de terre venue on ne sait d'où s'est accumulée dans les trous et les fissures de la roche. Et là dedans ont poussé des sortes de lys et de charmants iris bleus, dont la graine semble tombée du ciel. C'est sur cet écueil bizarre, en pleine mer, que fut enseveli et caché le corps de Paganini."
A l'extrémité nord-ouest de l'île, la presqu'île de Gramvoussa et son lagon aux eaux turquoises ne sont accessibles que par des sentiers muletiers ou par la mer, qui règne en maîtresse des lieux.
Nikos KAZANTZAKIS (1885-1957)
"Lorsque je m'éveillai, au point du jour, la grande île seigneuriale s'étendait à notre droite, fière et sauvage. Les montagnes rose pâle souriaient derrière les brumes sous le soleil d'automne. Autour de nous, la mer bleu indigo, bouillonnait, encore inquiète. Zorba, enveloppé dans une couverture brune, regardait insatiablement la Crète. Son regard volait de la montagne à la plaine, puis longeait le rivage, l'explorait, comme si toutes ces terres et ces mers lui étaient familières et qu'il se fût réjoui de les fouler de nouveau en pensée."
Par Thierry Fabre.